[Mixtape] Une introduction a Cave In – Du rock indé au mélange de tout

Seconde partie de la rétrospective de la discographie de Cave In. Nous arrivons à une période difficile pour tout groupe indépendant désormais signé sur une major, celle des compromis et des attentes commerciales difficile à tenir si le grand public ne goutte pas à votre musique. Bien entendu, Cave In sortira grandit de cette expérience avec néanmoins quelques années de repos bien mérité avant de faire redémarrer un peu la machine à composer, jusqu’à une tragédie et le début d’une « nouvelle réalité » en 2022.

Tides of tomorrow (2002)

Dernier EP chez HydraHead, le label co-crée par Aaron Turner (Isis) ou ils ont grandi d’abord en tant que groupe de metal hardcore pour maintenant finir sur des compositions acoustiques. Plus aboutis que le EP Creative eclipse et dans la continuité de Jupiter, Cave In s’efforce ici de parfaire un rock aux mélodies resplendissantes et pleines d’émotion.

A ce stade, l’effet de surprise est surement dépassé et les fans de la première heure incapables de suivre la direction artistique du groupe ont largement de quoi faire avec toutes les formations metal hardcore ou hardcore chaotique en activité à cette époque. Le futur de Cave In semble être tout tracé de nouveau et le potentiel commercial et l’accomplissement artistique de chacun des titres de Tides of tomorrow a tout pour le prouver.

Antenna (2003)

Désormais signe sur une major, RCA, le groupe obtient plus de ressources et de temps pour écrire leur nouvel album et se présenter a un plus large public. Le résultat reste dans le prolongement des disques précédents avec un son et des structures plus rock et pop. La pochette est tout de même réalisée par Aaron Turner. À la sortie du disque, le groupe semble enthousiaste de s’être finalement détaché de son ancienne base de fan amateur de metal hardcore muscle, mais la situation change très rapidement.

La situation serait plus tragique si elle n’était pas coutumière pour de nombreux groupes venu du milieu indépendant et rapidement délaissé par leur nouveau label supposé très enthousiaste. Dès la sortie du disque, la personne derrière la signature du groupe quitte RCA, abandonnant le groupe a une nouvelle équipe moins motivée et sans aucune idée de comment les promouvoir. Cave In partira donc d’abord en tournée avec les Foo Fighters et Muse à travers les Etats-Unis et l’Europe. Tout n’est pas catastrophique pour autant puisque la tâche répétitive d’interpréter les mêmes morceaux rock et plus doux pousse le groupe à jouer de nouveau en concert des titres d’Until your heart stops comme Moral eclipse et Juggernaut. Quand au label, il accueille sans problème la décision du groupe de partir en 2004 devant les résultats décevant d’Antenna afin de laisser Cave In revenir sur HydraHead.

De l’époque Antenna il reste un album de rock assez correct bien que trop proche des influences rock comme Failure pour vraiment montrer la personnalité de Cave In aux confluant de tant de style. Youth overrided (plus tard repris par Every Time I Die), Lost in the air et Stained silver sont cependant des morceaux aux refrains inspirés, pleins de la luminosité propre à la voix rayonnante de Stephen Brodsky et toujours maintenu par une section rythmique parfaite tenue par Conners et Scofield. Inspiré ou Seafrost ont beau être des compositions un peu penaude, il se dégage toujours du groupe un enthousiasme et une ambition créatrice admirable.

Perfect pitch black (2005)

Une fois libéré de leur contrat, Cave In peut repartir sur un label en lequel ils ont confiance. Retour donc chez HydraHead a la case départ, avec des acquis de leur expérience rock indé, de leurs erreurs en cours de route, mais aussi des déboires dont les séquelles vont pousser le groupe a terme à se mettre en pause. Le quatuor avait cependant déjà commencé à composer des nouveaux morceaux avant de partir de RCA et leur tournure entre rock et hardcore n’avait pas été bien accueillis, facilitant ainsi la rupture du contrat avec le label, et l’enregistrement d’une suite a Antenna peu de temps après la fin du cycle de promotion promis a RCA.

Le retour au milieu indépendant sied de toute façon plus à Cave In dont la créativité ne saurait être empaqueté dans des tournées thématiques faciles à vendre pour une major. En revanche, la mauvaise expérience du passage au monde professionnel et la perte des sommes d’argent associés à celui-ci font de cette déconvenue un événement marquant pour le groupe. Dans le livret du disque, le guitariste Adam McGrath avoue s’être interrogé sur son envie de continuer à faire partie du groupe après ce qu’il appelle leur « échec commercial lustre ». Forcé de repartir à de petit boulot, le batteur John-Robert Conners finit par quitter le groupe et d’être remplacé par Ben Koller (Converge) pour quelques concerts avant que le groupe ne se décide à se mettre en pause tant la situation ne leur convient pas. Brodksy finira par monter un projet à part avec Koller sous le nom de Mutoid Man mais pour l’heure il se consacre à des albums solos, tandis que McGrath rejoint Clouds et Scofield forme Zozobra pour interpréter ses propres morceaux.

You pulled the trigger then / We’re hurried out your way / Oh, oh, trepanning us all / Taking our names, freezing in praise / We won’t die this way / Dig through the dirt ./ We’ll bury your words in the earth (extrait de Trepanning).

Bien que Trepaning reste le morceau le plus a même de résumer le ressenti du groupe à la sortie de l’époque Antenna, Paranormal les voit revenir a un son élancé porté dans la stratosphère par de la delay sur tous les instruments avant d’exploser sous les coups des coups de médiator sec et de la voix de barbare en route vers la gloire de Caleb Scofield. Les sept minutes de ce morceaux résume bien la volonté du Cave In de 2004 de renouer avec toutes leurs époques dans des morceaux capables de trouver une résolution aux contradictions parsemés au travers de leur discographie. Par tous ses changement entre, et au sein même des morceaux, Perfect pitch black présente la concrétisation d’un groupe en quête d’identité finalement face a lui-même et satisfait. Par rapport à Antenna, Perfect pitch black ressemble donc enfin à l’avenir de Cave In, si le groupe en a encore un, et en 2005 rien n’est moins sûr.

Planets of old (2009)

Après Creative eclipses et Tides of tomorrow, Cave In aime annoncer les heureux évènements par des EP et revient ainsi au format pour quatre titres venu annoncer leur reformation avec la même bande de copains et leur intention de… ne pas devenir autre chose qu’un groupe de pote et non une formation professionnelle a plein temps. Le EP reste néanmoins généreux puisqu’il est accompagne d’un DVD live du concert de réunion au Great Scott de Boston.

En quatre morceaux, Planets of old permet à Cave In de renouer avec son public, y compris les amateurs de cris et de distorsion. Après deux morceaux entre sludge et psychédélisme, The red trail voit Brodsky et Scofield échanger des cris sur une composition digne de rejoindre leur collaboration avec Converge sur l’album Axe to fall, Effigy.

Planets of old ne révolutionne rien pour les amateurs de longue date sinon il permet d’annoncer la résurrection d’une formation toujours capable de dompter toute leurs aspirations artistiques et d’en faire des morceaux resplendissants, gorgés de joie de vivre. Quand au public visible sur le DVD, il est enfin prêt a accepter tous les aspects de Cave In sans demander quoi que ce soit. La détermination du groupe a être lui-même paye enfin, sauf du point de vue économique, comme toujours.

White silence (2011)

Toujours sorti chez HydraHead, Cave In choisit ses collaborateurs et collaboratrices parmi les membres de sa famille musicale, quitte a s’enregistrer eux-même. James Plotkin (Khanate) assure le mastering et Aaron Turner et sa partenaire à la ville et dans Mamiffer, Faith Coloccia, signent la pochette. Là où les morceaux de Perfect pitch black donnait l’impression d’entendre une suite de morceaux éparses. White silence se veut un album complet, enregistré avec les idées plus claires, et un groupe de nouveau sûr de lui.

Les décharges de saturation de Sing my loves rejoignent ainsi la voix romantique de Stephen Brodsky tandis que Scofield s’époumone derrière lui avant d’emmener la composition dans une ascension digne d’un roman de Jules Verne. Ailleurs, l’influence de Converge se ressent dans les morceaux plus agités (Serpents, Centered) sans perdre pour autant la patte du quatuor. Ainsi, qu’importe le style, saturé dans les accélérations de Centered ou acoustique dans l’intro très Lennon de Heartbreaks, earthquakes, aérien dans Sing my love ou secs avec les coups de médiator bluesy d’Iron decibels, White silence expose toute la force de caractère de Cave In. Plus encore, le plaisir des musiciens a jouer ensemble s’entend à chaque seconde pour faire de White silence le symbole de l’amitié entre tous les membres d’un groupe dont l’existence aura eté fait d’autant de succès que de déconvenue.

Live at Roadburn (2018)

A leur rythme, Cave In avait pris ses distances avec son public pour préparer doucement un nouveau disque, toujours entre pote. L’avenir sera malheureusement bien différent. Le 28 Mars 2018, Caleb Scofield trouve tragiquement la mort dans un accident de voiture. Père de deux enfants, sa disparition laisse sa compagne dans le besoin. Les potes de Cave In, les vrais, viennent alors de suite à la rescousse. Des collectes de fonds sont organisés. Les légendaires Isis se rabibochent pour un concert sous le nom de leur album culte Celestial et différents groupes associés au label HydraHead rejoignent l’affiche: 27, Old Man Gloom (un autre des groupes de Scofield), Pelican, Converge, Young Widows, Cancer Conspiracy et bien entendu Cave In accompagné du frère de Caleb, Kyle Scofield, et de Nate Newton, bassiste de Converge, et aussi membre de Old Man Gloom, à la basse.

Alors qu’ils étaient programmés au Roadburn, Adam McGrath et Stephen Brodsky rejoignent après l’enterrement de leur ami le programme du festival pour interpréter dans l’église désaffecté du Patronaat des morceaux de Cave In ainsi que des reprises des morceaux favoris de Caleb tels que Harvest moon de Neil Young. Les morceaux interprètes quelques jours auparavant à l’enterrement de leur compagnon font de ce concert une seconde cérémonie émouvante offerte à tout celles et ceux dont le lien avec le musicien défunt a toujours été entretenu de loin dans une autre forme d’intimité au travers de sa musique, une deuxième famille disséminé sur la route.

Final transmission (2019)

Final transmission, l’album posthume de Caleb Scofield, entends autant aider le groupe à soutenir sa famille et partager les derniers enregistrement du musicien. Avant même d’écouter l’album, la mention For Caleb imprimé sur la Face A du disque vinyle rappelle les circonstances dans laquelle sort le disque. Le disque s’ouvre ensuite sur une mélodie acoustique enregistré par Scofield, une dernière note laissé en suspension, puis terminé par le début d’All illusion, premier morceau de cette sèrie de démos de morceaux enregistres et complétés par ses amis.

Bien qu’il soit difficile a écouter tant son atmosphère retranscrit toute la peine ressentie par les musiciens, on y retrouve aussi la lueur de l’ère Jupiter dans Shake my blood, l’éblouissement de Tides of tomorrow dans Night crawler, le psychédélisme de White silence dans Lunar day ou l’accomplissement rock d’un véritable groupe dans le sens propre du terme dans Winter window. Bien qu’une grande partie de sa noirceur provient de la basse de Scofield, Strange recollection évoque la couleur anthracite des mélodies d’Alice in Chains avant de laisser Led to the wolves conclure le disque avec la composition la plus lourde et aussi la plus joyeuse de l’album, comme une dernière célébration de la force herculéenne du jeu du bassiste.

Heavy pendulum (2022)

L’histoire aurait pu se terminer de manière tragique avec un dernier album plein d’amertume et l’on en aurait pas voulu aux musiciens de ne donner une seconde vie à un groupe dont l’existence était surtout une excuse pour s’exprimer entre amis. Pourtant, après les concerts donnés en hommage à Caleb Scofield, l’intégration de Nate Newton sembla naturel et le groupe reparti de nouveau avec un compagnon différent pour prolonger l’existence et continuer à célébrer leur histoire et en écrire de nouvelles pages.

Le disque n’étant pas encore sorti, il est bien trop tôt pour en parler. Tout ce que l’on peut apprécier se résume en un morceau et un clip, enregistré au studio de Scott Balou (Converge) comme à l’époque d’Until your heart stops. Toujours avec un sens de l’humour charmant et idiot. Cave In ont beau avoir traversé mille épreuves, ils n’ont pas pour autant changer, et c’est bien pour cela qu’on les aime.